santa claus lane / jack

« Here comes Santa Claus, here comes Santa Claus », chantonne une voix fluette, cristalline, dont les notes précèdent une tête aux longs cheveux noirs et des yeux perçants qui s’ancrent sur Jack. Fran s’arrête de chanter, accusant plutôt un rire, avant d’entrer dans le bureau sans y avoir été invitée. Quinze jours avant Noël et elle trépignait déjà d’impatience, ayant décoré le stand de tir de fond en comble jusqu’à ce qu’aucun détail n’ait été oublié. Même les cibles avaient été remplacées par des effigies du Grinch. Rien n’était trop beau pour propager la magie de Noël. « Fais-moi voir ton pull! » insiste-t-elle, déposant deux tasses fumantes sur la surface la plus proche. L’odeur du lait de poule mélangée à celle du café embaume aussitôt la pièce. Leurs collections de pulls de Noël étant extensive, normal qu’ils se fassent plaisir et qu’ils comparent leurs achats impulsifs chaque jour – puisqu’il y en avait assurément un par jour ouvrable du premier au vingt-quatre décembre. L’inverse aurait été improbable. Sur le sien, qu’elle présente fièrement au lieutenant : sur fond rouge, une guirlande verte et blanche avec un bonhomme de pain d’épice, le tout assorti de l’inscription Let’s get baked. Inapproprié pour un service de police? Bien sûr que non. Enfin, si, mais c’était loin de décourager Frances. « Je l’ai tricoté moi-même, mais c’est mon frère qui a pensé au texte. » Elle ricane, joueuse. Il avait refusé le chandail lui-même, alors elle l’avait rétréci pour le faire à sa taille. Il ne savait pas ce qu’il ratait.

Tu entends la chanson et déjà tu es debout, à présenter fièrement au monde et à tes collègues dépité ta merveille. Tu tires un peu sur le bas de ton pull pour le présenter à Fran qui rentrer avec du lait de poule. Mélange de violet, de rouge, de jaune et de vert, ce qui ressort ce sont les trois raptors représentant les rois mages avec écrit en jaune Tree Raptors. Il était fort heureux que ta brigade n'ait que peu à faire avec d'autres personnes que les travailleurs du sexe, car il était certain que tu aurais à nouveau eu – comme chaque année – une ou deux remontrances sur ton choix vestimentaire au travail. « Quelle merveille, Frany. » Tu attrapes la tasse qu'elle te tend et tu trempes tes lèvres dedans, décidant qu'avec un tel pull tu n'avais pas à avoir peur d'une simple information de tes nerfs. « Sam a tricoté pour les garçons mais elle a gardé le mien pour Noël. » Tu soupires fortement, une main posée dramatiquement sur ton cœur tandis que tu observes la porte comme s'il s'agissait du drapeau. « Quelle merveille, ce lait de poule ! Tu te surpasses chaque année. »

« Hilda et Othello font tout le travail. Moi, je cuisine, juste. » Hilda, l'une de ses poules pondeuses; Othello, la vache du voisin, qui avait récemment mis bas et qui fournissait le lait du voisinage tricoté serré – autant que les mailles de son pull. Le sourire radieux aurait pu éclairer la pièce, chaque dent une petite ampoule DEL destinée à redonner un peu d'entrain à Jack... qui n'en manquait pourtant guère. « Je trouve que ce mauve te va à ravir. J'ai trouvé ton prochain cadeau : une cravate en soie violette », affirme-t-elle avec certitude, peu soucieuse d'insulter l'homme, qui n'était pas son supérieur malgré son rang plus élevé que le sien. Son âge, aussi. Son ancienneté. En somme, elle se retrouvait plutôt avec un ami qu'un collègue, autant dire ça. « Est-ce que tu as parlé à Sam de notre invitation pour le 29? Fred serait vraiment content de vous avoir à dîner. » Elle également, il allait sans dire. « Il est tellement excité qu'il a construit un traîneau pour y atteler les chevaux et faire des promenades pour les enfants en après-midi. Enfin, il est en train, il a presque fini. » Fidèles à leurs origines, les Reagan savaient comment recevoir leurs invités en grand, indubitablement.

Tu lèves ta tasse en l'honneur d'Hilda et Othello, soldats fidèles à la magie de Noël. Un gloussement t'échappe, en réponse à son sourire illuminant très certainement le commissariat plus que ne le faisait l'annonce de l'arrivée d'une boîte de donuts. « De la soie violette ? Tu veux que je ressemble au Riddler ? » Tu trempes à nouveau tes lèvres dans le lait de poule, meumonant un instant, lui faisant signe que tu allais lui répondre rapidement. De l'autre, tu te torches la bouche. « Oui, elle ne savait pas trop, elle voulait un peu de temps pour elle avant les fêtes de fin d'année. C'est toujours difficile avec les enfants qui sont loin de leur famille. » Avec Fran, tu étais toujours honnête. Autant lui dire les choses clairement, ce n'était pas que Sam n'aimait pas les Reagan mais la période de Noël et du réveillon en général était toujours rempli d'émotions, aussi fortes que contradictoires. Pour les enfants qui venaient d'être séparés de leur famille, les périodes des fêtes étaient d'autant plus dures qu'elles étaient des rappels douloureux de leur éloignement. Pour certains, c'était également un grand moment de découvert. « Avec un tel argument, Sam sera convaincue. »