Day off / Roman

« Hey Deurvorst, le chef a laissé un mot sur ton bureau. » Sans un remerciement, Callie s'approche de son bureau pour voir le mot en question. Son café change de main pour arracher le bout de papier au-dessus de la pile de dossier qu'elle s'était juré de clore avant de la fin de la journée. My office. ASAP. Le visage de la blonde se fronce et elle tente une brève rétrospective de ses dernières interactions qui aurait pu la mettre dans une situation délicate. Rien lui vient en tête. Elle en conclut alors qu'il s'agissait d'un détail a réglé et qu'il avait trop forcé sur sa dernière partie de cricket pour se déplacer jusqu'à elle.

« Tu voulais me voir ? » Amorce-t-elle sans banalité à peine la porte franchie, agitant le bout de papier qu'il avait laissé. Elle reste dans l'encadrement de celle-ci, dans l'espoir que ce ne soit qu'un aller-retour.

« Ferme juste la porte que j’puisse prétendre que j’t’ai adéquatement crié d’sus », marmonne le lieutenant sans relever le nez des papiers sur lesquels il gribouillait à toute allure. Il termine de remplir quelques cases, visiblement habitué à ce genre d’exercice, avant de laisser la plume de côté d’un geste vaguement excédé. « J’viens de me crêper le chignon avec les trois quarts des départements de la police parce que tes conneries vont encore coûter la peau du cul aux finances. » Son ton est neutre, malgré tout. En réalité il n’en avait rien à faire de ce que Callie pouvait faire pour fermer ses dossiers en suspens – il avait toujours soutenu, plus ou moins ouvertement, ses méthodes parfois… peu orthodoxes. Par contre, pour la laisser faire son travail adéquatement, il fallait qu’il se coltine les crises de nerfs du gratin de la police. Rien de nouveau sous le soleil. « Tu connais l’truc, j’ai juste besoin de t’entendre t’excuser, j’mets à ton dossier que t’es repentante pis j’te colle une suspension et on en parle plus. »

Un instant dubitative, la policière finit par s'exécuter et rentre dans la bureau, un air déjà blasé collé au visage. Elle savait très bien ce qui allait suivre. C'était chiant mais ça avait le mérite d'être court. Aussi elle ne s'asseoit pas, préférant se planter devant le bureau de son chef d'un air peu concerné. « Le trois quart ? T'exagères, je parle même pas à la moitié d'entre eux. » Elle sourirait presque en imaginant le lieutenant argumenter avec les vieux chiffons des autres brigades. Il était vrai qu'elle n'avait jamais été très courtoise avec les autres bureaux. Fatiguée de devoir courir après eux, elle avait appris à mettre son dossier au-dessus de la pile en menaçant les moins dégourdis ou en utilisant les ragots des salles de repos contre les plus susceptibles.

Elle ne fait pas la maline très longtemps. Posant ses mains sur le dossier de la chaise devant elle, elle se penche un peu plus au-dessus de son bureau. Elle voyait bien la demande d'explication devant lui. « Comment ça m'entendre ? Ils ont besoin d'une version enregistrée de mes excuses maintenant ? C'débile. Coche tout et dit j'suis pas venue. Ça me laissera une journée pour faire de la paperasse. » Mauvaise menteuse qu'elle était, et surtout trop fière, elle refusait de prononcer des excuses. Même si c'était seulement devant Roman. Elle ne pensait rien de tout ça et ferait encore moins des courbettes pour prétendre que tout rentrerait dans l'ordre.

Roman soupire. Il savait pertinemment que Callie avait parfaitement compris ce qu'il avait voulu dire, mais elle était de loin la détective la plus bornée et la plus réfractaire de sa brigade et il le savait depuis le premier jour où ils avaient travaillé ensemble. Ça ne datait pas de la dernière pluie. Tassant les papiers en pile égale, il relève la tête pour remarquer que la blonde a pris l'initiative de s'approcher, se penchant par-dessus la chaise qui lui était techniquement réservée. « M'présenter ta poitrine d'façon suggestive changera pas la procédure, Deurvorst. » Il laisse malgré tout traîner son regard sur le décolleté de son employée avant de l'inviter à s'asseoir, quelles que soient ses protestations. « Met ton ego d'côté cinq secondes. Y'a pas d'enregistrement, juste ton lieutenant qui t'ordonne de prononcer un seul mot pour pouvoir envoyer ces papiers aux ressources humaines. J'me suis déjà assez parjuré aujourd'hui, j'vais pas en plus mentir sur le putain de formulaire. » Il en faisait déjà suffisamment pour l'empêcher de se retrouver sans emploi, ou pire, à la brigade des mineurs – elle pouvait bien lui faire ce petit plaisir. S'il n'était pas particulièrement en colère, son irritation commençait à se faire sentir. Elle n'était pas spécialement dirigée contre Callie, mais plutôt contre la paperasse et les étapes à suivre. « Tu t'excuses, j'officialise ta suspension pour le reste de la journée, et on part. Point à la ligne. »

« Fuck you Zielinski. » Ça fuse de sa bouche, aussitôt qu'il a le nez dans sa poitrine. Trop naturellement pour porter une once de méchanceté ou de véritable colère. Ce n'était clairement pas le premier qu'il se prenait, et loin d'être le dernier. Elle finit néanmoins par obéir et s’assoit sans délicatesse devant lui. « Alors moi j'dois mettre mon ego de côté mais le petit cul de la rouquine des ressources humaines, lui, il peut rester. » Elle croise les bras, plus que fermé à toute tentative de coopéré. Si on faisait abstraction de son air de bouledogue, elle aurait presque l'air d'une gamine en plein crise. C'était peut-être un des mauvais côté de leur bonne relation (oui bonne, même si ça en avait pas l'air). Elle le défiait plus facilement qu'un autre supérieur.

« Comment ça on part ? » Difficile de faire un ton plus perplexe. Elle voulait l'envoyer chier une deuxième fois mais qu'il s'inclut dans cette punition l'empêchait de renverser la pile de feuille dangereusement rangée sur le coin de son bureau. « Toi aussi t'as été suspendu ? » La jeune femme joue toujours avec les limites mais elle était forcée d'avoué qu'elle serait capable de ravaler sa fierté pour pas qu'il subisse les conséquences de ses actes.

« Toujours aussi distinguée », note-t-il suivant, haussant les épaules. Lui-même ne l'avait pas spécialement été, mais il fallait parfois dépasser les bornes avec Callie pour la remettre à sa place; lui faire comprendre que tout ne tournait pas autour d'elle comme la Terre autour du soleil. De toute façon, Roman savait bien qu'elle ne haussait le ton que pour se persuader qu'elle avait raison. « Oui, il peut rester, essentiellement parce qu'il ne vient pas de coûter 8 000 $ de fonds publics dans un règlement à l'amiable, contrairement au tien. Aussi parce que je suis à ça de l'avoir dans mon lit. » Pince-sans-rire, il était difficile de déterminer s'il s'agissait d'une blague ou de véritables espérances de la part du lieutenant alors qu'il lève son pouce et son index devant son visage, mimant un espace infime.

Croisant finalement les bras sur son bureau, il observe avec insistance son interlocutrice pendant un moment. Il rêvait soudainement du moment où elle obtempérerait pour qu'ils puissent mettre cette énième réprimande derrière eux. L'inquiétude de la blonde vis-à-vis de son sort à lui ne le touche pas particulièrement. « P't-êt' bien. Auquel cas y'a pas un truc que t'voudrais m'dire? » suggère-t-il, expirant lentement le contenu de ses poumons en se frottant les cheveux mécaniquement. Déso', par exemple.

On pourrait presque voir la blonde plisser les yeux pour juger les faits de son lieutenant. Le salaud. Elle détestait quand il faisait ça. Soit quasiment tout le temps. C'est pour ça qu'il avait son respect. Au fond de son siège, toujours crispé, elle laisse planer un doute sur de possible excuse. Un mot et ils en finissaient tout les deux. Peut-être même qu'ils pouvaient aller prendre une bière après ça. « Désolée. Lance-t-elle de bout en blanc, détournant son regard. Désolée mais elle se tape déjà le mec de la compta. Et le prof de tir. » C'était trop beau pour être vrai. Elle n'inventait rien mais elle ne se fatiguait pas à ce qu'il la croit non plus. Après tout, il savait qu'elle était un de ses meilleurs détective. « Alors qu'est-ce qu'on fait maintenant ? Tu coches cette foutu case et je te paye un verre pour que tu l'oublies ? »

« Meh. Je suis pas jaloux. » Il hausse les épaules, comme pour souligner le fait qu'il ne verrait aucun inconvénient à n’être qu'un nom de plus sur le tableau de chasse de quelqu'un. Simultanément, il feuillette ses documents administratifs, repérant celui de la suspension de Callie. « La détective a présenté ses excuses et accepté avec humilité sa suspension d'un jour sans solde », narre-t-il à mesure qu'il rédige, sa main gribouillant rapidement sur le papier. Satisfait, il signe au bas et agrafe les feuilles ensemble avec un air comme refait, se levant aussitôt pour attraper son manteau.

« Tu vois, c'était pas sorcier. » Il n'avait pas eu besoin qu'elle s'excuse pour ce qu'on lui reprochait. Juste qu'elle s'excuse et il ne mentait techniquement pas sur son formulaire; sauf pour l'acceptation de la suspension, mais elle n'avait pas vraiment le choix de toute manière. Tout le monde était content. Quant au plan de Callie, il ne manquait pas de l'intéresser, mais il avait mieux à faire dans l'immédiat. « Après. Les boutiques sont ouvertes jusqu'à 21h et j'ai un cadeau à faire. J'ai besoin de ton aide. » Poussant Callie hors de son bureau, il claque la porte pour faire bonne figure de lieutenant outré, sans se soucier des regards intrigués des autres. Il mène Callie jusqu'à sa voiture de fonction, une berline noire banalisée dans laquelle il se glisse sans plus de cérémonies.

Une injure d'une autre langue échappe à Callie dans un soupir nullement retenu. Il avait gagné par le simple fait qu'il se contentait de peu. Et ça, la blonde ne pouvait lui retirer. Le contredire était inutile, elle lui avait de toute façon apporter assez de problème et elle devrait trouver une façon détourner de s'excuser réellement malgré tout. Et justement, à peine levée qu'il lui propose de quoi se rattraper. Elle fut tentée de trouver une excuse mais elle lui devait bien ça désormais. « Seulement parce que c'est toi. » Qu'elle lui fait croire en acceptant de le suivre.

Elle ouvre la portière de la voiture sans pour autant monter dedans. La détective se penche pour le voir dans l'habitacle. « Roman, tu sais que c'est mon job d'arrêter des immigrés de l'est qui embarquent des jolies filles dans des voitures comme celle-ci ? » Sa question semble très sérieuses jusqu'à ce qu'elle laisse apercevoir un léger sourire moqueur. Elle prend aussitôt place, se débarrassant de son badge dans la boîte à gant. « C'pour qui le cadeau lieutenant ? Ça donnerait une idée d'où aller. »

J'me demande bien quoi d'autre t'accepterais juste parce que c'est moi, qu'il a envie de rétorquer derechef, mais il s'abstient en raison de la présence des oreilles indiscrètes de sa brigade – il n'avait pas le même laisser-aller avec Callie et ne tolérait ses débordements que parce qu'il savait qu'elle était la plus efficace de ses détectives. Entre autres choses; elle avait beau manquer de tact et représenter tout ce que la police tentait de cacher au grand public, Roman ne voyait pas les choses du même œil.

Il se glisse dans la voiture, décochant un regard excédé à la détective lorsqu'il voit qu'elle ne se presse pas. Encore penchée, exposant (sans doute malgré elle, ou du moins Roman tentait de s'en persuader) un délicat soutien-gorge en dentelle, il darde pourtant son regard dans celui de Callie. « Et le mien c'est de dire aux meufs qui se penchent comme ça à la fenêtre de ma bagnole que je suis flic, pas client », souligne-t-il. « Ceci dit, marine c'est un bon choix, ça fait changement du rouge. J'ai toujours trouvé ça un peu vulgaire. » Un sourire en coin moqueur plus tard, il démarre, s'engageant sur le boulevard sans plus de cérémonie. « Pour une fille », fait-il simplement à la question de Callie. « J'sais jamais quoi prendre, genre, toutes les filles aiment les trucs de bain qui sentent bon. Un bouquin, p't-êt', j'saurais pas quoi elle aime par contre. J'suis sûre que t'auras d'meilleures idées qu'moi. »

Callie a un sourire douteux quand elle monte en voiture. Difficile de savoir si elle s'amuse de cette dernière réplique ou si elle rit de sa future vengeance. Elle semble néanmoins avoir abandonné pour l'heure, lui offrant cette victoire sûrement temporaire. Du coin de l'oeil, la blonde l'observe lui parler de cette fameuse fille. « T'es rarement aussi secret quand il s'agit de tes gonzesses. Elle doit valoir le coup. Je peux avoir son nom au moins ? » Étonnamment, elle se prend au jeu. L'aider dans cette quête impossible arrivé à lui faire oublier cette journée sans solde. « Tu veux pas lui offrir de la dentelle bleu marine justement ? Si tu l'as déjà tripoté, je peux deviner sa taille. »

« On peut dire ça. » Il demeure vague, admet qu'elle vaut le coup comme disait Callie, sans pour autant céder à ses demandes. Non, Roman préférait garder ça pour lui, cette fois, même s'il n'était pas étranger au fait de comparer conquêtes et prouesses avec celles de ses collègues – souvent les mêmes avec qui il jouait au criquet, le boys club par excellence. Même Callie se prêtait parfois au jeu, mais ça n'était pas la même chose d'être en tête à tête avec elle et d'être en groupe, un petit verre de trop dans le nez et le vocabulaire imagé par la traduction mot à mot du polonais à l'anglais à son service. « Tu penses que j'offrirais des sous-vêtements à une fille que j'ai jamais vue à poil? » ricane-t-il en s'arrêtant au feu rouge, profitant de l'instant de répit pour décocher un regard incrédule à la blonde, hochant la tête. « Tu parles. Ça fait vachement intéressé en plus. C'pas ça que j'cherche. » Il était sérieux, malgré tout. Il ne voulait pas avoir l'air d'offrir n'importe quoi, ou pire, quelque chose qui, à bien y penser, était plutôt un cadeau pour lui-même que pour la fille en question.

Quelques instants supplémentaires suffisent pour qu'il tourne dans le parking du centre commercial. S'extirpant de la voiture, il referme sa veste sur son torse, pris d'un frisson – le mois de janvier était loin d'être clément avec les newportais. « T'as une idée d'où on peut commencer? J't'offre le café », fait-il en pointant un Starbucks installé tout près de la porte d'entrée. « Prends c'que tu veux. »

Callie explose de rire franc et rare quand il fait justement remarqué le manque de logique de ses paroles. Elle lui donnait raison sur ce coup, bien que l'idée du cadeau soit assez cocasse. « Okok. Alors c'pas pour une conquête. Heureusement que je suis détective hein. » Il était difficile de lui tirer les informations claires et précises qui pourrait l'aider. Elle cogite dans son coin alors qu'ils arrivent sur le parking du centre commercial. Cette fois, elle ne se fait pas attendre et sort aussitôt le moteur éteint.

Elle ne se fait prier pour entrer dans le Starbucks, le nez déjà pointé vers la liste des boissons disponibles. Les deux policiers prenne place dans la file d'attente et c'est à cet instant qu'elle remarque que le moment est rare. Sortir en civil, sans aucune mission particulière et surtout juste eux. Elle lui adresse un léger sourire, ce rictus qu'elle ne peut s'empêcher d'être un peu moqueur alors qu'elle n'a rien derrière la tête. « Tu vas m'attirer des problèmes avec l'équipe à te montrer trop sympa avec moi. La jalousie, ça fait des dégâts. » Mais elle ne semblait pas réellement craindre des quelconques représailles. Elle se demandait néanmoins s'il était amené à faire des exceptions pour les autres détectives. Après un instant de réflexion, elle a « Une écharpe c'est bien, non ? C'est la saison. Ça correspond à tout âge. Prends-en une simple, zéro risque comme ça. » Elle hoche la tête en attente de son avis avant de se tourner vers l'employer derrière sa caisse à qui elle confit sa commande d'un grand latte à la cardamone. « Callie, avec deux L. »

« C'est p't-êt' une conquête, hein. Tu sous-estimes à quel point j'peux être gentleman quand j'veux », se plaint-il, malgré tout dans un sourire. Il était vrai qu'il n'avait pas nécessairement donné cette impression à Callie depuis qu'ils se connaissaient – et pour tout dire, il n'était pas particulièrement gentleman, donc l'air qu'il se donnait n'était pas spécialement une exagération. Il valait mieux rester fidèle à lui-même et éviter que les autres soient déçus. En marche vers le centre commercial, il retire sa cravate, qu'il fourre dans la poche de sa veste, et défait le premier bouton de sa chemise, se sentant revivre.

Il observe avec peu d'intérêt le menu accroché en l'air, laissant son regard dériver sur les ensembles cadeau. « T'as qu'à pas leur dire », souligne-t-il, sous-entendant que lui ne le ferait pas. Il n'avait rien à gagner à faire ça. Malgré tout, un petit sourire narquois apparaît sur ses lèvres, ses mains dans ses poches. « Tout le monde sait qu't'es ma préférée de toute manière, c'est pas un secret. » La préférée, certes, peut-être : ce n'était pas comme si les filles étaient nombreuses dans la brigade, essentiellement masculine. Il était sans doute acceptable que Callie profite de quelque traitement de faveur. La proposition de Callie lui fait hocher la tête. « Tu dis ça parce que c'est un truc que t'aimerais recevoir? » s'avance-t-il, laissant finalement la détective commander au comptoir. Pour lui-même, un café avec rien, comme il disait systématiquement, ce qui ne manquait pas de causer la confusion chez les baristas.

Le café récupéré, ils s'avancent dans le centre commercial, le regard de Roman sondant les alentours comme s'ils se retrouvaient dans une émeute : alerte et prêt à se diriger en trombe là où il y aurait quelque chose d'intéressant. « Je me suis rarement senti moins dans mon élément qu'en cet instant », admet-il, désemparé face au choix qui s'offrait à lui.

Callie enfonce son coude dans les cotes de son chef, sans violence, seulement de la taquinerie. Elle n'accepte pas ouvertement le compliment d'être sa préférée pourtant elle ne peut s'empêcher de sourire. Pourtant elle le savait, qu'elle avait le droit à plus que les autres et ça l'avait arrangé plus d'une fois. Ça rendait aussi le travail moins pénible entouré de tout ces hommes. « J'en sais rien mais je suppose que c'est le genre de truc que je portais sans me soucier d'à quoi je ressemble. » Approuve-t-elle en avalant les premiers gorgées de son café avec précaution.

A côté de Roman, il n'est pas difficile d'être plus à l'aise dans les allés du centre commerciale. Pourtant la jeune femme semble réellement habituée à ce genre d'escapade. Ils avaient de la chance, les magasins étaient plutôt désert. Les fêtes étant passées et d'être en plein milieu de la semaine permettaient de rendre la sortie plus agréable. « Fait un effort Zielinski. T'avais même pas une petite idée ? » Elle dévie leur marche, lui faisant un signe de tête pour l'inviter à la suivre dans une des grandes enseignes de prêt à porter. Le genre accessible à tous, tant financièrement que pour les goûts et les couleurs. « Tu m'as dis ce que tu pensais de ma proposition ? Des gants ça marche aussi. Un bonnet c'est plus risqué, ça va pas à tout le monde. » Elle continue son interrogatoire tout en parcourant les rayons des yeux, s'arrêtant parfois pour regarder s'il y avait sa taille. « Des chaussettes marrantes c'est bien aussi. Ou non, une bouillotte. J'vais même en prendre une pour moi tiens. »

« Je savais pas que tu t'en étais déjà soucié, point », qu'il lui fait, lui rendant la taquinerie avec un petit sourire moqueur. Observant les alentours, il se noie presque dans son café tant il espère que Callie le mènera magiquement vers l'objet de sa convoitise. Or, elle tergiverse, l'accusant de ne pas faire preuve de suffisamment de débrouillardise – ou du moins, c'est comme ça qu'il l'interprète. « J'suis occupé, moi, j'ai pas que ça à faire de penser à des trucs à acheter aux gens. » C'était plus ou moins vrai. Certes, il faisait de grosses journées, mais il y avait des temps morts pendant lesquels une séance shopping sur Amazon était clairement possible, même s'il se ferait réprimander par le service informatique de ralentir le réseau Internet, comme d'habitude.

« Je sais pas, ça fait un peu impersonnel comme cadeau. » L'écharpe était une bonne idée, somme toute, mais ça manquait de quelque chose. Il n'aurait pas su mettre le doigt dessus, toutefois. « Une bouillotte? Je savais pas que t'étais mamie avant l'âge », se moque-t-il, ricanant alors que Callie observe un rayon quelconque. Du coin de l'œil, un vêtement attire son attention. « Ça me fait penser que je t'ai jamais vue en robe. Ni en talons d'ailleurs », qu'il note, désignant d'un geste de la tête la jolie robe soigneusement posée sur le mannequin. Il faut dire qu'ils se voyaient rarement, sinon jamais, hors du travail, et que poursuivre des malfrats en jupette n'était pas très pratique. « Ça m'ennuie déjà, tout ça. Je devrais peut-être l'inviter au restau', plutôt. »

Callie ne relève pas cette énième taquinerie. Et se disait même qu'elle finirait par lui ramener une bouillotte puis qu'il comprenne le bonheur que procurait une poche d'eau chaude. Le nez dans les vêtements, elle ne relève pas son regard pendant qu'elle lui répond. « Parce que tu m'as jamais invité quelque part. » Elle hausse les épaules, comme peu concernée par ce détail. En réalité, il y avait très peu de chance qu'elle aborde une telle tenue pour un date.

Finalement, elle arrête sa déambulation à sa plainte. La blonde lève les yeux au ciel alors qu'elle rebrousse chemin pour quitter le magasin. « Si ça peut m'éviter de t'entendre te plaindre encore, alors fais-le. » Arrivant à sa hauteur, elle se poste devant lui et porte ses mains à son col pour le plier correctement. « Mais passe devant un miroir avant d'y aller. »

Il arque un sourcil, prêt à relancer Callie d'une autre taquinerie, mais il ne trouve rien à redire. Elle n'avait pas tort. À part les habituels jeudis au pub irlandais non loin du poste, avec les gars de la brigade – ou du moins, ceux qui pouvaient –, ils n'avaient jamais fait quelque chose ensemble, tous les deux. Pas que ce soit spécialement étonnant : déjà qu'ils se coltinaient l'un et l'autre pendant la majeure partie de la semaine, et qu'il était son supérieur hiérarchique, l'idée de sortir en tête à tête le week-end semblait farfelue. Il n'en demeurait pas moins que ça sonnait comme un défi à ses oreilles et que ça ne manquait pas de l'amuser.

Voyant qu'il avait usé le peu de patience de Callie à la corde, il hoche la tête, réprimant quelque commentaire moqueur lorsqu'elle ajuste le col de sa chemise. « Si tu m'dis que c'est une bonne idée », conclut-il, même s'il ne suit pas la détective hors de la boutique lorsqu'elle s'y dirige. « Tant qu'à être ici, pourquoi tu l'essaies pas, c'te robe? J't'ai vue, tu la regardais avec envie. » C'était faux, elle ne lui avait même pas porté la moindre attention, mais ça n'était pas grave. Il la connaissait suffisamment bien pour savoir qu'elle protesterait, et c'est pourquoi il attire aussitôt l'attention d'une vendeuse, à qui il demande de préparer une cabine avec le morceau en question. La femme jauge Callie d'un œil pour deviner sa taille et il la voit sortir trois tailles d'un rayon avant de disparaître derrière un rideau. « On va pas r'partir maintenant, on vient d'arriver. Pis pas question que j'prenne le risque que tu renverses ton horreur sucrée sur mes sièges. »

Callie ouvre la bouche mais n'a pas le temps de le contredire qu'une vendeuse vient déjà à eux. La situation lui échappe complètement et son regard alterne entre Roman et la jeune femme sans qu'elle puisse rien faire. « Non, atten- » La vendeuse s'est déjà exécutée et elle semble impossible a rattrapé. Il faut un instant à Callie avant qu'elle fasse volte face devant Roman. Elle lui cogne son poing dans l'épaule sans prévenir. « Si elle me va, t'as intérêt à me l'acheter. Je fais aucun essai gratuitement. » Elle ne lui laisse pas le choix avec ce doigt menaçant tendu vers lui. Elle n'est pas véritablement en colère. Son poing aurait visait son nez autrement et elle serait déjà partie du magasin.

Passé les menaces, un sourire né sur le coin de ses lèvres, signe qu'elle acceptait sa demande comme un défi. Elle boit une dernière gorgée de son café avant de lui confier son gobelet. Elle s'engouffre aussitôt dans la cabine d'essayage désigné par la vendeuse.  Elle prend ton son temps derrière le rideau, le premier réflexe étant de regarder le prix de celle-ci. Il lui faut une quinzaine de minute avant de tirer de nouveau le rideau. Et à la grande surprise, elle est habillée comme rentrée.

« Super ! Elle me va parfaitement. » Lance-t-elle plus qu'enthousiaste. Elle rend les deux robes pas à sa taille et confie la bonne aux mains de Roman. « T'as eu du nez, tu m'impressionnes lieutenant. » Elle lui adresse un sourire alors qu'elle prend la direction des caisses. Comme prévu, elle comptait bien se faire offrir cette robe. « Quoi ? Tu m'as jamais demandé de défiler. Juste d'essayer. »